Huile essentielle : un même flacon, plusieurs statuts réglementaires
Cet article décrypte le cadre réglementaire des huiles essentielles (HE) en France, en mettant en lumière un point souvent méconnu : leur statut légal dépend uniquement de leur usage déclaré par le metteur sur le marché. À travers un tableau comparatif, des exemples concrets et l’analyse des données de l’ANSES, il expose les dérives possibles (déclarations d’usage inadaptées, étiquetages incomplets) et leurs conséquences sur la sécurité du consommateur. Une lecture indispensable pour comprendre les enjeux de transparence, de traçabilité et de responsabilité dans le secteur des huiles essentielles.
Esméralda Cicchetti
6/2/20253 min temps de lecture
Huile essentielle : un même flacon, plusieurs statuts réglementaires
En France, une huile essentielle (HE) n’a pas un statut réglementaire unique. Elle peut être arôme alimentaire, complément alimentaire, cosmétique, ingrédient de parfum, médicament… ou produit chimique réglementé. Ce statut dépend strictement de son usage déclaré par le metteur sur le marché, et détermine l’ensemble des obligations légales : contrôles, mentions sur l’étiquette, sécurité du consommateur.
Or, dans la pratique, cette distinction est souvent floue — voire volontairement entretenue. Décryptage.
UnE huile essentielle, plusieurs réglementations
Voici, à titre d’exemple, les obligations d’étiquetage applicables à une même huile essentielle selon l’usage déclaré :
[1] International Nomenclature of Cosmetic Ingredients
[2] DLC= Date Limite de Consommation, DDM= Date de durabilité minimale
[3] PAO= Période après ouverture
[4] CLP= Classification, Labelling, Packaging
Une source de confusion majeure pour le consommateur
En pharmacie, en boutique ou sur internet, le consommateur n’a pas toujours conscience de cette diversité de statuts. Il peut acheter une HE destinée à un usage alimentaire (donc moins contrôlée sur les allergènes ou les substances à risque) et l’utiliser en massage, en diffusion, voire en ingestion thérapeutique — sans jamais être alerté sur les différences réglementaires.
Pourquoi certains déclarent un usage « alimentaire » ? Un choix stratégique
Déclarer une HE comme arôme alimentaire permet d’échapper à :
la déclaration des allergènes cosmétiques réglementés,
les obligations de sécurité du règlement CLP (pictogrammes, phrases de risque, etc.),
les analyses de conformités IFRA...
Ce choix est économique : il évite des analyses coûteuses et des tests parfois incompatibles avec les petits volumes ou les productions artisanales.
Mais il n’est pas neutre pour la sécurité du consommateur. À composition chimique identique, un étiquetage simplifié peut masquer des risques bien réels — en particulier en cas de contact cutané, d’inhalation prolongée ou d’ingestion inadaptée.
Étiquetage contrasté : même lavande, deux visages
L’étiquetage d’une huile essentielle de lavande selon le règlement CLP (cosmétique ou parfum) intègre :
Phrases de danger (« Peut provoquer une allergie cutanée », etc.),
Pictogrammes réglementaires,
Mentions de précaution.
Le même lot, vendu comme arôme, n’affichera aucune de ces mentions.
Conséquences sanitaires : des intoxications évitables
En 2024, l’ANSES a mis en lumière des données préoccupantes : entre 2011 et 2021, 45 à 95 % des intoxications recensées par les centres antipoison liées aux HE étaient dues à une erreur d’usage ou à une mauvaise perception du risque. En d’autres termes : un manque d’information claire sur le produit.
Conclusion : un besoin urgent de transparence
La réglementation européenne est claire : c’est à l’opérateur de définir l’usage de son produit et d’en assumer les obligations.
Mais la diversité des statuts possibles, combinée à l’ambiguïté commerciale, contribue à une confusion généralisée entre produits alimentaires, cosmétiques, thérapeutiques ou techniques.
Il est temps d’ouvrir un débat public sur l’étiquetage des huiles essentielles — et de promouvoir un étiquetage harmonisé basé sur la composition réelle, et non seulement sur l’usage déclaré.
Une question, un besoin analytique en lien avec les huiles essentielles? Contactez-nous!
Références
1. Consensus d'experts destiné aux professionnels de santé et aux décideurs exerçant en milieux de soins (hospitalier ou médico-social). Aromathérapie scientifique : préconisations pour la pratique clinique, l'enseignement et la recherche. 2018.
2. Paitraud, David. Les règles d'or de l'aromathérapie à l'officine. Le Quotidien du pharmacien. [En ligne] 24 04 2017. https://www.lequotidiendupharmacien.fr/archives/les-regles-dor-de-laromatherapie-lofficine.
3. Faucon, Michel. Traité d'aromathérapie scientifique et médicale - Les huiles essentielles. 3ème édition. Paris : Editions Sang de la Terre, 2019.
4. Baudoux, D., Blanchard, J.M. et malotaux, A.F. Les cahiers pratiques d'aromathérapie selon l'école française. Volume 4 - Soins palliatifs. Luxembourg : Editions Inspir S.A., 2010.
5. Franchomme, P., Jollois, R. et Pénoël, D. L'aromathérapie exactement. s.l. : Editions Roger Jollois, 2001.
6. IFRA. Analytical methid to quantify 57 suspected allergenes (and isomers) in ready to inject fragrance materials by gas chromatography and mass spectrometry. IFRA. [En ligne] 15 11 2016. https://ifrafragrance.org/docs/default-source/guidelines/23754_gd_2017_04_11_ifra_analytical_method_to_quantify_57_suspected_allergens_(and_isomers)_in_ready_to_inject_fragrance_materials_by_gc-ms-(3).pdf?sfvrsn=ad55ac1_6.
7. Huiles essentielles : à utiliser avec précaution! ANSES. 2024, Vigil'Anses - Le bulletin des vigilances, p. 6.
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